mardi 24 janvier 2012

Fondements théoriques de la zone euro

La situation délicate que traverse la zone euro est propice pour reposer la question des fondamentaux économiques expliquant le fonctionnement d'une zone monétaire. 
La question de la mise en place d'une monnaie commune de référence s'est posée depuis les années 70 avec la fin de la convertibilité Or-Dollar, et la mise en place d'un régime de change flottants remplaçant le régime de changes fixe.
Ce billet est consacré à un petit rappel historique ainsi qu'aux fondements théoriques à l'origine de l'euro. D'autres publications viendront en complément critique sur l'optimalité de la zone euro, pour mieux comprendre les clés des problèmes actuels et proposer quelques pistes de réflexion sur le plan politique.

Petit rappel historique du parcours conduisant à la mise en place de l'Euro
La mise en place de la monnaie unique a suivi plusieurs étapes. Très succinctement, on peut citer :
- le Serpent Monétaire Européen en 1972 dont l'objectif était de limiter la fluctuation des monnaies des pays de la CEE entre elles en intervenant, à la vente ou à l'achat, selon des seuils, afin de limiter la fluctuation à + ou - 2,5% entre les monnaies.
Face à l'échec effectif de cette politique observé par la difficulté de se maintenir dans le serpent, les monnaies quittent les unes après les autres (Livre Sterling, Lire italienne, Franc français) du fait des déséquilibres économiques qui les font dériver par rapport au Deutch Mark qui s'évaluait. Le risque et la menace qui pèsent sur les échanges commerciaux au sein de la CEE conduisent à l'adoption du Système Monétaire Européen
- En 1979, Le SME introduit une "devise virtuelle", l'ECU, qui est un panier de monnaies avec une marge de fluctuation dont le but est de garantir l'équilibre monétaire. Pour ce faire, sont ainsi introduits des mécanismes de change et de crédit entre banques centrales selon certains montants définis en fonction de la durée (court et moyen terme). Malgré des débuts qui permettent de stabiliser les monnaies, les dévaluations que connaissent un certain nombre de monnaies au cours des années 80 puis 90 liées notamment aux attaques spéculatives, conduisent les européens à réfléchir à passer au stade supérieur pour réaliser une monnaie unique.
- Entre temps, l'acte unique de 1986 permet d'approfondir la construction européenne dans le domaine économique. L'acte unique introduit notamment les 4 libertés : libre circulation des biens et services, liberté de prestation et d'installation, libre de circulation des personnes et des capitaux. 
- Le Traité de Maastricht est adopté en 1992, étape fondamentale de la mise en place de la monnaie unique qui se concrétise avec la création de la BCE en 1998 puis l'instauration officielle de l'Euro en 1999 et son entrée en circulation le 1e janvier 2002.

Sur le plan théorique, c'est sous le prisme de la théorie des Zones Monétaires Optimales (ZMO) qu'il faut analyser l'Euro. 
Ce concept a été développé dans le cadre du débat sur les mérites et les inconvénients de régimes de change fixes vs. flottants, considérant que le choix de régime devait tenir compte des caractéristiques économiques des pays concernés. Une ZMO est une région dans laquelle il serait bénéfique d'établir une monnaie unique. Ceci repose sur les travaux de Mundell de 1961, prolongés et enrichis par la suite par d'autres penseurs.
Cette théorie part de l'idée selon laquelle la constitution d'une zone monétaire signifie pour les pays membres une renonciation au taux de change comme instrument de politique économique. La question qui se pose alors est de connaître les conditions qui permettent de minimiser le coût de cet abandon.
En 1961, dans son article intitulé "A theory of optimum currency areas", In American Economic Review, Robert Mundell explique qu'une zone monétaire est optimale si ses participants subissent les mêmes chocs macroéconomiques, càd qu'ils ne connaissent pas de choc asymétrique, ils adoptent par conséquent la même politique économique ; ou s'il existe des substituts au taux de change au sein de la zone permettant de faire face aux chocs asymétriques, à savoir une forte mobilité des facteurs de production. Par exemple, la mobilité de la main d’œuvre permet de résoudre les problèmes de chômage dans un État et les tensions inflationnistes ayant pu apparaître dans un autre État des USA.
Les prolongements de l'analyse de Mundell révèlent d'autres critères qui constituent soit des moyens alternatifs au taux de change soit des situations dans lesquelles le taux de change est peu efficace.
Ingram introduit en 1962 l'idée selon laquelle un important degré d'intégration financière permet une meilleure efficience dans les transferts de capitaux, réduisant ainsi le besoin de recours à l'instrument de change dans la mesure où les déséquilibres peuvent être amortis par les mouvements de capitaux entre pays.
Mac Kinnon ajoute en 1963 le critère de l'ouverture des économies d'après lequel le coût d'abandon du taux de change est moins important dans les économies ouvertes qui commercent beaucoup entre-elles. La politique de change est alors moins efficace.
Peter Kenen quant à lui soulève 2 critères : la nature de la spécialisation économique et l'intégration fiscale. Ainsi, les économies diversifiées permettent de mieux absorber les chocs négatifs; moins les économies sont spécialisées, plus leurs productions sont similaires, et moins elles sont sensibles aux chocs économiques. L'intégration fiscale fait référence quant à elle à l'existence d'un budget central qui permettrait des transferts dans le cadre d'une péréquation par exemple permettant de soutenir les pays touchés par un choc asymétrique et réduire le besoin d'ajustement par la politique de change.
Enfin, Fleming constate en 1971 que la réduction du besoin de recours à la politique de change reposait aussi sur la similarité de l'inflation entre les pays membres d'une zone ; cela permet d'avoir moins recours à la politique de change pour corriger les divergences en terme de pouvoir d'achat.
Ainsi, la mise en place de l'Union Économique et Monétaire s'est inspirée de la théorie des ZMO.
Ceci à travers plusieurs critères appliqués à la sélection des candidats pour entrer dans la zone euro.
La stabilité des prix (principal rôle de la BCE), la bonne gestion des finances publiques (pacte de stabilité et de croissance), intensification de l'intégration financière, décloisonnement du marché bancaire, ainsi que tous les apports de l'Acte Unique en terme de liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux sont les ressorts internes sur lesquels s'est bâtie l'UEM. Nous verrons dans le prochain billet que cette construction est incomplète, ce qui explique pour partie les difficultés actuelles.

lundi 23 janvier 2012

Ouverture

Ecce homo, Plurale tantum.

Ainsi que le définissait Aristote, "L'Homme est un animal social et politique".
De ce fait, l'expression de l'être humain ne peut s'exercer et se réaliser qu'à travers les autres et les complexes rapports entretenus. La socialisation, qu'elle soit primaire conditionnée par la cellule familiale ou secondaire affirmant l'autonomie individuelle, entretient la quête de la réalisation de l'Homme dans la cité. Le citoyen peut ainsi agir dans la société pour participer au développement, et changer les équilibres de cette dernière, bref être pleinement un acteur politique.

Dans la mesure où il est un animal social et politique, l'Homme ne peut se définir et exister qu'au pluriel, à travers sa pluralité, raison pour laquelle l'expression Plurale tantum semble être de bon aloi comme adresse de ce blog.


L'objectif est de discuter de sujets ayant trait à la dimension sociale et politique afin de mieux analyser l'actualité richissime (élections, révolutions, crise économique, relations internationales...etc), en sortant des sentiers battus, des idées reçues répétées, que dis-je, aboyées à longueur de journée par des journalistes dont la satisfaction par le prêt-à-penser ne fait que conforter leur assise dans le confort de l'ignorance la plus vulgaire qui soit*.






* En effet, il est possible de distinguer, comme le dit Emmanuel Kant, l'ignorance savante, celle qui permet de savoir les limites de notre connaissance, être conscient de notre ignorance (d'ailleurs, c'est la condition de l'humilité et de la sagesse), et l'ignorance non savante, vulgaire, celle qui ne peut distinguer ce qu'on sait de ce qu'on ignore.